Ni déni, ni catastrophisme.
LES MATIERES DE LA TRANSITION
oui, mais pas dans mon jardin…
Rares et chers sont devenus les composants de nos énergies et, donc, de nos économies. La flambée actuelle des prix de toutes les énergies en atteste – et ce n’est pas fini . Conflits ouverts ou larvés, déséquilibres entre offre et demande, goulots d’étranglement dans les transports maritime, rareté des matières principales détenues par très peu d’États… alimentent l’inflation et perturbent les économies.*
Pétrole, gaz et leur transport, cobalt, nickel, lithium, cuivre et, bien sûr, terres rares oblitèrent l’autonomie de nos démocraties et leur capacité à mettre sérieusement en route la transition écologique.
En 2021 l’énergie en Europe c’est 1000 milliards d’euros, soit pratiquement deux fois plus qu’en 2019 ** Principaux responsables : le pétrole et le choc gazier entraînant une hausse sans précédent des prix de l’électricité. Le baril ***de pétrole, longtemps à 50 dollars est passé à 80 puis 90 et dépassera sans doute vite les 100 dollars ( ou 120 en cas de conflit armé entre Russie et Ukraine). La demande a retrouvé son niveau d’avant Covid, les États Unis ne veulent pas pomper d’avantage de brut et, surtout, les dépenses d’exploration-production ont été divisées par deux depuis le record de 2014 ( 720 milliards d’euros). Une escalade en Ukraine aurait des conséquences très négatives dans ce tableau : interdiction faite à la Russie d’exporter aluminium, palladium ou nickel ou suspension par mesure de rétorsion qui pourrait inclure le gaz, la privant ainsi de devises vitales pour son économie et ses clients des composants nécessaires à leur transition.
Car, l’enjeu est là : pour assurer la transition écologique nous allons – devons – « passer d’une économie basée sur les hydrocarbures à une économie reposant sur les métaux dont l’approvisionnement sera critique »****.La Chine produit la quasi totalité des aimants de terre rare indispensables aux énergies renouvelables dans les domaines de l’automobile, l’aéronautique et la défense. La République Démocratique du Congo extrait 70% du cobalt, le lithium vient d’Australie de Chine et du Chili…et l’Europe dépend à 98% des métaux de la transition énergétique.
On ne peut évidemment pas en rester là, d’autant que la stratégie zéro carbone multipliera par 10 à 20 les besoins d’ici à 2050. « Les deux technologies les plus à risque pour les filières industrielles sont celles des aimants et des batteries » explique P.Varin. Comment fournir les 40 gigafactories prévues en Europe d’ici à 2030 ? Et comment faire quand les européens veulent des voitures et des énergies propres mais pas les mines qui vont avec ? Ce syndrome « pas dans mon jardin » oriente nos politiques vers des contrats à long terme avec les pays miniers, renforçant ainsi notre dépendance.
Recyclage ? Sans que ce soit la solution au problème, on peut attendre beaucoup d’une vraie politique de recyclage à grande échelle sur notre continent. L’UE vient de se doter d’une Alliance des matières premières chargée « d’investir dans les technologies qui réutilisent les ressources » et semble décidée à bouger, mais avec 20 ans de retard sur la Chine.
G.S 10/02/2022
* JM Bezat – Le Monde
• ** JP Morgan Chase et rapport CyclOpe du 27/01/2022 par P.Chalmin ( baromètre annuel des marchés mondiaux des matières premières)
• *** Au fait, un baril = 159 litres de pétrole
• **** Philippe Varin – ex patron de PSA et de France industrie le 31/01 à Lens
